C’est en Lorraine qu’apparut au début du XVIIIe siècle la turlutaine ou serinette. Vraisemblablement inspirée par une mode de la Cour du Roi Stanislas de Nancy, elle fut fabriquée principalement à Mirecourt.

Si bien décrite dans l’"Art du facteur d’orgues" de dom Bedos de Celle (1766), ce petit orgue à tuyaux d’étain, muni d’un cylindre pointé actionné par une manivelle, fut tout d’abord destiné à donner la leçon de musique aux serins de Canaris, qui étaient alors en vogue dans la noblesse et la grande bourgeoise. Dans son "Traité des serins", Hervieux de Chanteloup (1745) indique la façon très détaillée de s’en servir.
Les noms de Bennard (1708-1769), N.Gavot (+ 1774), D. Bourdot (+ 1761) sont parmi les plus célèbres des facteurs de turlutaines de Mirecourt.

En 1737 déjà, la serinette se trouvait en bonne place chez le sieur Louis-Pierre Alba "sur une table de jeu entre des fauteuils au point de Hongrie".
Puis l’usage se vulgarisa et l’on s’intéressa à d’autres oiseaux moins fragiles qui pouvaient posséder des dons musicaux, comme le bouvreuil et le merle, ce qui provoqua la facture de petits orgues à deux ou trois registres nommés Pionne , Merline ou Bouvrette et Perroquette. Cette dernière n’ayant rien à voir avec le perroquet, sinon qu’elle était plus importante que les deux précédentes !

Les genres musicaux évoluèrent aux fils des années : au XVIIIe siècle les répertoires mentionnaient surtout des marches, des préludes, des gigues, des menuets. Par la suite se seront des airs de vaudeville et enfin des airs populaires et enfantins. Les dernières produites peu avant 1914 étaient même vendues comme jouets dans les catalogues « Manufrance » !

Fin XVIIIe et début XIXe siècle se développa alors une grande activité de facture d’orgues de salon à cylindre de toutes tailles et de tous usages. Des registres de tuyaux en bois furent alors ajoutés permettant des sonorités plus riches. Certains reçurent même des registres de trompettes en bois ou en laiton, ainsi que des percussions.

Certains orgues mécaniques furent construit pour l’usage religieux, sur la demande du clergé : orgues à cylindre (Moussey) ou à double usage cylindre et clavier manuel. Nicolas Antoine Lété (1793-1872), Didier Poirot (1806-1894) ou Clément-Dumont associés en 1832, en furent les plus célèbres facteurs.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle en plus de la facture de petits orgues de rue, apparut aujourd’hui le Concert Militaire. Comme son nom l’indique il avait une fonction de fanfare et était particulièrement garni de trompettes, cornets et fifres, tambour et cymbale, avec un répertoire principalement composé de marches, de quadrilles et de valses.
Ces instruments pouvaient tout aussi bien être utilisés dans de grandes salles, des pavillons de musique que plus tard montés sur des galopants ou carrousels. La fabrique Poirot Frères de Mirecourt était réputée pour ce type d’orgues et a produit à cette époque ses plus beaux modèles avec façades sculptées et automates.

Si, jusque là, tous ces orgues avaient fonctionné grâce au système du cylindre pointé, une révolution apparut avec l’application par Gavioli, peu avant 1900, du carton perforé emprunté aux métiers dit Jacquard. Ce système fut aussitôt adopté par les grandes maisons parisiennes de facture d’orgues de foire de même que par Poirot Frères à Mirecourt.
Cependant, l’atelier Poirot, avec son dernier représentant Georges Poirot(1896-1954) continua de produire de petites orgues à cylindre, mais surtout de réparer toutes sortes d’instruments mécaniques de foire ou de rue, tant français qu’étrangers. L’activité de facture d’orgues mécanique à Mirecourt s’arrêta à la mort de Georges Poirot en 1954, elle avait duré près de deux siècles et demi.

Françoise Dussour

De la Serinette à l'Orgue de foire